tesoro mio
disent les femmes d’ici
parfois sous le soleil
quand elles parlent de leurs amours
les pensent éternelles
my love
mon amour
on disait là-bas
et qu’en penses-tu
anne
de mes mots maladroits ?
tu n’as que quelques mois mon bébé
mais je te veux donner ces petits papiers
de la poésie maladroite tu me pardonneras
mais tu sais maman est blessée
tu sais elle ne guérit pas
anne sois heureuse
tu touches de l’encre
et n’essuies pas mes larmes
alors des fois quand je serai seule
que tu m’auras réveillée
je t’écrirai un peu
et ce sera rien que nous deux
comme ça je pourrai te décrire papa
te dire comme il est beau
là sous mes yeux
comme un dieu
et quand il t’aura appris les lettres
tu pourras m’écrire aussi
de ta poésie
me dire
comme il est beau
là sous tes yeux (un dieu)
me dire
combien tu l’aimes
tu sais moi je l’aime
d’un amour tesoro mio
- nour, 3 septembre 1947
elle le regarde depuis plusieurs minutes déjà. elle ne dit rien. elle est heureuse.
anne n’a pas mis longtemps à s’endormir, bercée par le son des vagues, et dans ses rêves la caresse de l’écume. nour aime regarder atlas quand il ne la regarde pas, parce qu’alors il ne sourit pas. elle l’aime souriant oui, mais elle l’aime comme ça aussi. ça lui fait penser à avant, au tout début. à la ruelle, aux nuages noirs et aux rayons de soleil, quelque part au-dessus. elle l’aime quand il ne fait pas attention à ses mèches frivoles, comme s’il attendait qu’elle les lui remette derrière les oreilles. elle l’aime même quand son regard se perd loin devant, et qu’il se perd avec lui (habitude neuve qu’elle ne lui connaît que depuis peu mais qui ne lui déplaît pas, parce que ce qu’elle aime aussi c’est le découvrir comme au premier jour).
nour ne sait ni l’orage ni l’opaque de ses iris. elle ignore tout du rideau gris, ne se soucie pas assez des intempéries. elle devrait.
atlas tu devrais lui en parler.
et elle s’approche, le décoiffe avec douceur de ses phalanges qui n’ont plus mal, fait glisser ses pétales rosés contre le satin de sa peau. sur le front, dans le cou, sur sa clavicule. lui assis, la tête tournée vers le haut. elle debout, à l’adorer un peu plus à chaque battement de cil. leurs éléments à l’envers (elle la terre et lui l’océan) et qui malheureusement peinent à se comprendre, mais le tumulte depuis longtemps s’est tu et il n’y a que dans certains rêves d’anne (ceux qui les font se lever) que l’écume fait fondre les rochers.
mais tu sais atlas,
les pétales de nour se faneraient si tu lui disais
et ses cris réveilleraient anne
et elle te donnerait des coups
mais elle t’aimerait encore
encore encore encore.
anne est endormie. qu’est-ce qu’on pourrait bien faire ce soir ?
ses mains trop douces parties à l’aventure et sa voix comme un murmure. elle l’enjambe en un instant et maintenant face à lui, elle peut l’admirer comme il le mérite. et elle ne se prive pas. lie leurs doigts, colle leurs fronts, ferme les yeux.
ferme-les aussi, atlas.